Drapeau haïtien
Plage à Haïti - Déforestation
Aux Gonaïves - mars 2009
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8,6 millions de personnes vivent en Haïti, le pays le plus pauvre du continent américain.
Moins de la moitié de la population a accès à l’eau potable.
1% seulement de la couverture forestière originelle du pays demeure.
Les Gonaïves, 200 000 habitants, a été la ville la plus touchée par le cyclone Jeanne (2 000 morts en 2004), les ouragans Fay, Gustav, Hanna et Ike (600 morts en 2008).
600 000 m 3 de boue (sur 2,5 millions de tonnes) ont été dégagés en six mois.
Aux Gonaïves, ville sinistrée par la déforestation et les ouragans.
Quand l’eau a commencé à monter, Chimène Fisaimé et sa famille se sont réfugiées dans un hôtel voisin. Puis, durant trois mois, tous ont vécu chez des proches, sur les hauteurs des Gonaïves. Vendeuse de cosmétiques, cette mère de trois enfants a tout perdu lors des cyclones Fay, Gustav, Hanna et Ike, qui se sont abattus sur Haïti à l’automne. Envahie par un mètre trente de boue, la maison qu’elle loue a été déblayée par le propriétaire. Pour les abords, Chimène a recruté un journalier qui travaille à crédit. « Je le paierai quand j’aurais de l’argent. J’aimerais reprendre mon commerce mais je ne veux pas m’endetter davantage. Mon mari est chauffeur mais ne trouve pas de véhicule à conduire. Je n’ai pas grand-chose à donner à manger à mes enfants. Un jour oui, un jour non… » Dans la cour, elle montre leur ancien puits, obstrué et hors d’usage. A deux pas, une pompe à main fraîchement réhabilitée fournit de l’eau gratuite : c’est l’une des raisons qui a décidé Chimène à rentrer chez elle.
Les Gonaïves cumulent les drames
Dans les nuées de poussière soulevées par les camions, un monument dédié « aux victimes des catastrophes naturelles » se dresse à l’angle d’un boulevard. Depuis 2004 et le cyclone Jeanne, les Gonaïves et ses quelque 200 000 habitants cumulent les drames liés aux changements climatiques et à la dégradation environnementale.
Surplombée de monts aux versants vides d’arbres et de végétation, cette ville plate située au niveau de la mer reçoit les eaux qui s’écoulent comme dans une cuvette.
Les travaux engagés il y a cinq ans avec l’aide de la communauté internationale pour tenter de canaliser les flots n’ont pas eu le temps d’aboutir. Les nouveaux ouragans ont dévié le cours de la rivière La Quinte et inondé la ville de millions de mètres cube de boue. La « terre du cyclone » a séché, bouchant les canaux jusqu’à en effacer certains. Parfois, d’immenses trous emplis d’eau des « piscines » ironisent les habitants coupent la chaussée.
La catastrophe a privé la population d’« eau pour boire » comme on dit en créole. Fournir les habitants en eau potable a donc été la priorité d’une coordination d’ONG étrangères. La phase des distributions d’urgence achevée, l’association française Action contre la faim (ACF) a, par exemple, oeuvré à la réhabilitation de 300 points d’eau et d’une quinzaine des kiosques du réseau public de la Société nationale d’eau potable (Snep).
De 25 à 40 % des habitants, selon les sources, auraient aujourd’hui accès à une quantité suffisante d’eau potable (15 litres par personne et par jour), gratuite ou payante. Près d’un kiosque du quartier Bienac, Isma Sylène, 36 ans, marchande d'eau ambulante, proteste au regard du prix fixé par la Snep. Le comité local, qui se sert peut-être au passage, vend ici 2 gourdes le bokit d’eau (0,04 € les 20 litres), soit le double d’avant les cyclones.
« J’ai huit enfants, j’utilise beaucoup d’eau, surtout pour mon dernier. Tout ce que je gagne dans la journée y passe parfois », se plaint cette maman. « Pompage, distribution, réparations… Nous connaissons les difficultés mais avons besoin de rentrées financières », défendent les ingénieurs du Snep. Certains habitants pourtant jugent cette eau chlorée du réseau public « mauvaise » parce que « salée » et préfèrent acheter à ces petits commerces qui vantent « eau miracle » ou « courage eau » à 20 gourdes le seau (40 centimes d’euro) sous prétexte de traitement purificateur par « osmose inversée ».
Quelques averses créent des inondations
La saison des pluies débute bientôt et des averses ont provoqué des inondations il y a dix jours. L’inquiétude gagne les habitants. « Ce qu’il faudrait, c’est déplacer les Gonaïves sur les hauteurs », défend Prosper Saint-Louis, responsable technique pour ACF et expert en agronomie. « Mais où va-t-on avec 300 000 personnes ? » interroge Roosevelt Compère, régisseur à la Direction de la protection civile. « Réhabiliter et réduire les risques aux Gonaïves demanderait vingt ou trente ans de travaux colossaux. Or la capacité d’investissements est insuffisante », reconnaît son collègue Jean-Arsène Constant. L’évacuation reste le seul moyen de protéger les populations : l’orientation de 100 000 personnes vers des abris provisoires est envisagée pour la prochaine saison cyclonique. Chimène Fisaimé s’y prépare : « Cette fois, je partirai avant l’eau des ouragans. »
Le Parisien - 16 mars 2009