L'affaire Clearstream, ses acteurs, ses mises en scènes, ses moments de lyrisme. Cette semaine, Patrick Devedjian, ministre de la Relance, a oublié de se taire. Il a comparé Nicolas Sarkozy à Alfred Dreyfus. Il fallait oser…
"Ça n'a peut-être pas la dimension de l'affaire Dreyfus ni sa connotation, mais dans le mécanisme, c'est exactement la même chose : la falsification d'un bordereau en vue de faire accuser un innocent." (Patrick Devedjian - 1er octobre 2009)
Le procès de l'affaire Clearstream est une bonne occasion pour les politiques en mal de grandes causes de laisser libre cours à leur grandiloquence. Et depuis quelques jours, certains ne se gênent pas pour effectuer des racourcis très limite… en comparant Clearstream à l'affaire Dreyfus. Quel est le lien entre les deux histoires? On cherche encore. l'affaire Dreyfus se déroulait sur fond d'antisémitisme. Ce qui n'est pas le cas de Cleartream. Et surtout, qui est le Dreyfus de 2009, l'innocent injustement accusé?
Que Dominique de Villepin, qui est le véritable accusé dans cette affaire, soit comparé à Dreyfus et se mette au « J'accuse » de circonstance, soit.
Mais Sarkozy franchement… Pourtant, Devedjian craque, et dans le Monde du 1er octobre, il assimile le président au célèbre accusé. Sarko, c'est tout de même celui qui a porté plainte, non ?
1894. Dreyfus se retrouve mêlé à une sombre affaire de trahison. Il porte plainte contre l'armée française pour diffamation, et il est défendu par le meilleur avocat du coin. L'armée française, à la barre, tente de se défendre. L'enquête prouve que le bordereau mettant Dreyfus en cause était bien un faux, que Dreyfus était accusé à tort. L'armée française est embêtée, tente de réduire sa peine au maximum, les généraux ne veulent pas aller au bagne, mais, en même temps, ils sentent bien que le procès n'est pas gagné. Emile Zola témoigne pour Dreyfus. Il est plutôt convaincant.
L'armée française est donc condamnée. Avilie, déshonorée, discréditée, la Grande Muette se voit dans l'obligation de se taire pour de bon. Période de confusion, de flou, de chaos. L'armée se trouve réduite aux soldats, les seuls qui n'ont pas pâti de l'affaire. Autogestion. La face de la France en est toute changée.
Comment ça, c'est n'importe quoi? Ce n'est pas plus absurde que le fait d'assimiler Sarkozy à Dreyfus. Pour une raison toute simple d'ailleurs: on ne réécrit pas l'Histoire.
Marianne - 02.10.09