Francis Benhaïm, enseignant en BTS communication à La Courneuve (93) en avait assez de voir les entreprises se fermer à ses élèves. Il a donc créé sa propre agence de com. Un an après, c'est un succès. C'EST UNE BOITE de com black-blanc-beur unique en son genre, avec des recrues d'origine sénégalaise, algérienne, martiniquaise ou « 100 % gauloise ». Elle prend ses quartiers non pas sur les Champs-Elysées mais à La Courneuve, en Seine-Saint-Denis. « Notre force, c'est la diversité.
Quand on vient des cités, on a la niaque ! » s'enthousiasme Sofiane, le directeur adjoint à la chemise rose à carreaux. Dans les rangs de l'agence Nouvelle Cour, qui a célébré hier soir son premier anniversaire en présence de Christine Boutin, ministre du Logement et de la Ville, les recrues en CDI sont toutes passées par le BTS de communication des entreprises du lycée Jacques-Brel, également implanté dans la commune du « 9-3 ». La structure associative d'une dizaine de salariés, soutenue, entre autres, par TF 1, le conseil régional, le géant du recyclage Paprec ou la société TBWA, poids lourd de la communication en France, a ouvert ses portes aux « indésirables » du marché du travail.
A l'origine de cette initiative, Francis Benhaïm, un prof remarquable de l'établissement classé en ZEP, las de voir la très grande majorité de ses élèves, étiquetés « banlieue » et privés de piston, galérer pour décrocher un stage ou un premier job.
Avant de devenir chef de projet à Nouvelle Cour, rémunérée 1 500 € brut par mois, Marie, 23 ans, qui a grandi à la cité Gagarine de Romainville (Seine-Saint-Denis), a subi la « quadruple discrimination ». « La totale ! Je suis jeune, d'origine sénégalaise, j'ai étudié à La Courneuve et, en plus, je suis une fille ! » Résultat : « Quand j'envoyais des lettres de candidature, je ne recevais pas de réponses, même négatives. Vous savez, le milieu de la com, ce n'est pas très coloré », observe-t-elle alors que sur son bureau trône une drôle de mascotte, un castor en peluche qui porte une casquette « 93 » et une veste à capuche.
« Moi, après les entretiens, on me disait toujours : On vous rappellera ! Mais le téléphone ne sonnait pas », se souvient Jamila, 22 ans, domiciliée à la cité du Franc-Moisin, à Saint-Denis. « Pour les stages, c'est pareil, il faut toujours se battre », confie Loïc, 22 ans, d'Argenteuil (Val-d'Oise).
Pour les forces vives de Nouvelle Cour, cette première - et nécessaire - expérience professionnelle ne « doit cependant pas s'éterniser », afin de libérer des places à tous les autres qui « rament », et doit servir de « tremplin ». « Maintenant que je suis lancée dans le métier, je vais postuler dans les grandes agences », promet Marie. A l'instar de ses collègues, elle ne manque pas de travail. De nombreuses entreprises - TF 1, SNCF, BNP Paribas... -, qui font de leurs actions en banlieue un argument de... communication, n'ont pas hésité à passer commande à cette agence nouvelle génération. « Les clients ont été satisfaits à 95 % de notre boulot », assure Sofiane, 25 ans, qui réside toujours à la cité Verlaine, à La Courneuve. « En fait, ils nous ont pris comme on était, applaudit Jamila. Les patrons savent qu'on est plus motivés que les autres. Et qu'on n'est pas formatés ! »
(Source: Le Parisien 25.10)